14/10/2013

Rhône-Méditerranée Corse : Les eaux souterraines au grand jour

logo_eau_rhonemediterranee.gifL’agence
de l’eau Rhône-Méditerranée Corse a financé depuis dix ans un effort de
recherche et d’acquisition de connaissances à hauteur de 3,5 millions
d’euros. Les résultats ont été lors de sa 4ème journée "Eau et
Connaissance" qui a rassemblé 200 spécialistes de l’eau et des rivières,
et des représentants des collectivités et de l’État.

Les résultats,
inédits, font état de nouvelles ressources inutilisées, mais surtout
ils invitent à renforcer la protection des eaux contre les pollutions
diffuses pour protéger les captages d’eau potable et ménager les
réserves stratégiques pour l’avenir en contrôlant l’urbanisation. Ils
incitent aussi à raisonner les forages individuels – d’arrosage ou de
géothermie – qui prolifèrent localement et menacent la qualité d’eaux
profondes encore très préservées. Ces nouvelles conclusions
scientifiques donneront lieu à des mesures dans les prochains schémas
directeurs d’aménagement et de gestion des eaux de Corse ou de
Rhône-Méditerranée (2016-21) dont les premières versions seront rendues
publiques à l’automne 2014.

Voici une revue des résultats clés :

Les eaux souterraines se renouvellent plus vite qu’on ne l’avait cru jusqu’ici
Dans les plaines alluvionnaires, comme celles du Rhône ou de la Saône,
les eaux mettent souvent moins de 10 ans à se renouveler. Ce temps de
renouvellement descend même au-dessous de 5 ans dans les plateaux
calcaires karstiques et dans les vallées de montagne. À l’inverse, dans
les aquifères profonds, les circulations d’eau sont beaucoup plus lentes
et les eaux peuvent se renouveler sur plusieurs centaines d’années,
voire des millénaires. Ces résultats proviennent d’une étude du BRGM qui
a daté une centaine de points d’eau et exploité des données issues
d’études antérieures. La technique de datation des eaux utilise des
éléments traces d’origine humaine présents dans l’atmosphère. Cette
découverte montre que les investissements pour protéger les aires
d’alimentation des captages d’eau contre les pollutions peuvent avoir un
temps de retour bien meilleur qu’escompté. L’agence de l’eau recommande
de renforcer les actions de protection. L’enjeu est majeur puisque 75 %
de l’eau potable du bassin provient des nappes souterraines. Les
enseignements tirés des datations incitent à préconiser leur mise en
œuvre systématique pour estimer les délais nécessaires à la reconquête
des captages.

Le BRGM livre un nouveau modèle qui permet d’optimiser la protection des eaux souterraines
Il montre qu’une modification des pratiques agricoles sur une partie
des zones d’alimentation des eaux souterraines dégradées permettrait de
restaurer leur qualité pour des coûts économiques limités. Ce modèle a
été testé en grandeur nature sur la plaine alluviale de l’Ain, largement
cultivée en maïs. Une modélisation mathématique simule le
fonctionnement de la nappe et le devenir des nitrates dans la nappe.
Elle fait apparaître que sur sa partie nord, la nappe reste de bonne
qualité, grâce à l’effet de dilution des pollutions par les eaux
apportées par les deux rivières Albarine et Ain. Sur la partie sud, les
seuls apports à la nappe sont les eaux de pluie chargées en nitrates
avec des valeurs souvent supérieures à la norme de 50 mg/L au point de
déclasser la nappe. De plus, une étude économique montre qu’une rotation
accrue des cultures de maïs (2 années de maïs sur 3 au lieu de 5 sur 6
avec une interculture en céréales ou oléo-protéagineux autres que le
maïs) permettrait de retrouver des eaux de qualité conforme à la
production d’eau potable pour un coût limité à 50 euros par hectare et
restreint aux seules parcelles qui contribuent le plus à la pollution de
la nappe.

Les nappes profondes de la plaine de Valence et de Carpentras sont menacées par la prolifération des puits individuels
– Ces nappes profondes des sous-sols molassiques (grès essentiellement)
sont des réserves stratégiques d’eau de très grande qualité, au temps
de renouvellement long. Une étude de l’Université d’Avignon montre que
les zones de recharge de ces aquifères sont touchées par les pollutions
agricoles. Plus grave encore, la multiplication des forages sur les
plaines de Valence et de Carpentras – on estime jusqu’à 15 000 puits
individuels à Carpentras, tant pour l’arrosage que la géothermie – perce
la couche d’argile intercalaire entre la nappe superficielle, polluée,
et la nappe profonde jusqu’à menacer sa qualité. Ainsi, sous la plaine
de Valence, on retrouve des pesticides à des concentrations supérieures à
la norme existante (0,1 μg/L) à plus de 100 mètres de profondeur. Ces
polluants ne se dégradant pas, ils vont rester présents de nombreuses
années. La réglementation des forages individuels est particulièrement
pauvre aujourd’hui, se limitant à une obligation – peu respectée – de
déclaration en mairie. L’agence de l’eau recommande de se préoccuper de
cette situation, en développant les opérations d’identification des
forages, en réglementant les techniques de réalisation et en limitant
les forages. Les régions de Montpellier, Perpignan ou Lyon sont
également concernées par la multiplication des forages.

De nouvelles réserves utilisables pour produire de l’eau potable ont été découvertes et caractérisées
– Elles permettraient de sécuriser l’eau potable (à Marseille) mais
aussi de substituer des prélèvements dans des rivières surpompées.
Rares, ces découvertes précieuses ne doivent être utilisées qu’après
avoir chassé tous les gaspillages.  L’Université de Provence a estimé le
volume de cette ressource potentielle à plus d’une dizaine de
mètre-cubes par seconde pour la partie ouest de l’aquifère karstique
littoral des Calanques et du Beausset dont l’eau est de bonne qualité
avant qu’elle ne se charge en sel à l’approche de la mer. Ces eaux
s’échappent aujourd’hui en mer par les sources sous-marines de Port-Miou
et du Bestouan à Cassis. Elles pourraient sécuriser l’alimentation en
eau potable de la région de Marseille, une fois toutes les économies
d’eau réalisées, comme la suppression des fuites des réseaux d’eau. Dans
l’immédiat, l’agence recommande de limiter l’urbanisation là où se
constituent ces ressources – entre Marseille et Aubagne et sur le flanc
sud de la Sainte-Baume – afin d’éviter les risques de pollution.

De
même, en Corse, une étude du BRGM montre que même dans les zones
granitiques centrales de l’île, il est possible d’améliorer la
productivité des forages en les implantant judicieusement dans les sites
qui bénéficient d’une alimentation par les nappes superficielles
contenues dans les granites altérés (sable). Cela pourrait aider à
surmonter les problèmes de pénuries d’eau en été.

L’Université de
Montpellier a identifié des réserves importantes en profondeur dans les
karsts du Languedoc et de la basse vallée du Rhône. L’agence de l’eau
recommande leur usage en été, en substitution de prélèvements dans les
rivières en période de basses eaux. Dans le Vaucluse, la commune d’Apt
s’est engagée dans cette voie pour soulager le Calavon. D’autres études
vont être menées en Ardèche. Là encore, la chasse aux gaspillages de
l’eau s’impose en parallèle.

Agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse – 01-10-2013